Un allié de Jammeh jugé en Allemagne pour son rôle dans l’escadron de la mort gambien
Le procès d’un Gambien accusé d’avoir fait partie d’un escadron de la mort qui a assassiné des opposants à l’ancien président Yahya Jammeh, dont un journaliste de l’agence de presse AFP, s’est ouvert en Allemagne.
Le suspect, identifié par les médias sous le nom de Bai Lowe, est accusé de crimes contre l’humanité, de meurtre et de tentative de meurtre, dont le meurtre en 2004 du correspondant de longue date de l’AFP Deyda Hydara, également co-fondateur du quotidien indépendant gambien The Point.
Lowe, arrêté à Hanovre en mars 2021, comparaîtra lundi devant le tribunal de la ville voisine de Celle.
Le procès est « le premier à poursuivre les violations des droits humains commises en Gambie pendant l’ère Jammeh sur la base de la compétence universelle », selon Human Rights Watch.
La compétence universelle permet à un pays étranger de poursuivre les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le génocide, quel que soit le lieu où ils ont été commis.
Devant la salle d’audience lundi, des militants ont tenu une pancarte exigeant que Jammeh « et ses complices soient traduits en justice ».
Lowe est accusé d’avoir été impliqué dans deux meurtres et une tentative de meurtre alors qu’il travaillait comme chauffeur pour le commando, connu sous le nom de Junglers, entre décembre 2003 et décembre 2006.
“Cette unité a été utilisée par le président gambien de l’époque pour exécuter des ordres de meurtre illégaux, entre autres” dans le but “d’intimider la population gambienne et de réprimer l’opposition”, selon les procureurs fédéraux.
Hydara, 58 ans, a été abattu dans sa voiture à la périphérie de la capitale gambienne, Banjul, le 16 décembre 2004.
Lowe est accusé d’avoir aidé à arrêter la voiture d’Hydara et d’avoir conduit l’un des tueurs dans son propre véhicule.
Le père de quatre enfants a également travaillé comme correspondant en Gambie pour l’ONG Reporters sans frontières (RSF) et était considéré comme un doyen parmi les journalistes du petit État d’Afrique de l’Ouest.
Dans The Point, il avait une chronique très lue, « Bonjour, Monsieur le Président », dans laquelle il exprimait son point de vue sur la politique gambienne.
Selon les enquêtes de RSF, Hydara était espionné par les services de renseignement gambiens juste avant sa mort.
Hydara était un journaliste tenace et “vraiment têtu”, selon son fils Baba Hydara, 45 ans.
“C’est un jour que nous attendons depuis 18 ans”, a déclaré Baba Hydara à l’AFP devant le tribunal.
“C’est un jour important pour la justice mais ce n’est que le début d’un long voyage”, a-t-il déclaré, exprimant l’espoir que Jammeh sera également “jugé”.
Les procureurs accusent également Lowe d’avoir conduit des membres des Junglers à Banjul en 2003 pour assassiner l’avocat Ousman Sillah, qui a survécu à l’attaque avec des blessures graves.
Sa fille Amie Sillah a déclaré lors d’une conférence de presse avant le procès qu’elle espérait que cela éclairerait “pourquoi, qui et comment ils ont essayé de tuer mon père”.
Lors d’un troisième incident en 2006, Lowe est accusé d’avoir conduit des membres de l’unité vers un site près de l’aéroport de Banjul où ils ont abattu Dawda Nyassi, un opposant présumé au président.
Pendant plus de 20 ans, Jammeh a dirigé la Gambie d’une main de fer, mais a fui le pays en janvier 2017 après avoir perdu une élection présidentielle face à Adama Barrow, relativement inconnu. Il a refusé de reconnaître les résultats mais a été chassé par un soulèvement populaire et s’est enfui en Guinée équatoriale.
Une commission vérité et réconciliation créée par Barrow a recommandé que l’ancien président soit jugé pour violations des droits de l’homme sous le mandat de ce dernier.
Lowe est le troisième complice présumé de Jammeh à être détenu à l’étranger.
Les autres suspects sont l’ancien ministre de l’Intérieur gambien, Ousman Sonko, mis en examen en Suisse depuis 2017, et un autre ancien Jungler, Michael Sang Correa, inculpé en juin 2020 aux Etats-Unis.
Patrick Kroker, avocat de Baba Hydara, a déclaré à l’AFP devant le tribunal que l’ouverture du procès était “un jour important pour la justice”.