Khalifa Sall veut installer le doute dans BBY
L’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, en politicien aguerri et stratège accompli est en train de jouer sa partition pour offrir à l’opposition une majorité confortable par le ralliement de députés de la mouvance présidentielle
L’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, en politicien aguerri et stratège accompli est en train de jouer sa partition pour offrir à l’opposition une majorité confortable par le ralliement de députés de la mouvance présidentielle. En effet, Khalifa, qui a gardé d’excellentes relations avec ses anciens camarades socialistes, ferait tout pour convaincre les députés élus sous la bannière de son parti ou de Benno Bokk pour ceux d’entre eux qui auraient transhumé qu’ils risquent de s’enliser politiquement dans un régime finissant (celui de l’Apr). Une quarantaine de députés seraient dans sa ligne de mire.
S’activant dans l’ombre depuis des semaines, Khalifa Sall se livre à une partie de pêche qui pourrait être très profitable à l’opposition, notamment à la coalition Yewwi Askan Wii dont il est le maître à penser. Biberonné à la politique, un milieu dans lequel il évolue depuis l’âge de 13 ans, il est passé maître dans l’art d’élaborer des projets et de monter des coups. Très pondéré, posé et patient, l’ancien militant de l’Union progressiste sénégalaise puis du Parti socialiste est à l’origine des stratégies gagnantes de la coalition Yewwi Askan Wi. C’est ainsi qu’il était à la manœuvre pour le rapprochement entre cette dernière coalition et Wallu dans les départements avec, à l’arrivée, 80 députés et une peur bleue pour le camp présidentiel qui a échappé de peu à une cohabitation institutionnelle entre le président de la République et l’opposition qui aurait formé le gouvernement. La pratique de la politique étant un art, certains de ses adeptes comprennent bien les schémas de composition et de recomposition pour dynamiser leurs propres entités. Suivant leurs groupes d’appartenance et de références, ces experts politiques, loin d’être des novices, usent de leurs capacités d’anéantissement pour mettre en mauvaise posture des adversaires politiques. Dans ce lot de politiques très futés, figure en bonne place l’ancien maire de la ville de Dakar, Khalifa Ababacar Sall. Après une excellente percée de sa coalition Yewwi Askan Wi, l’initiateur de Taxawou Sénégal s’est engagé sans tambour ni trompettes dans le « démackiage » des députés de la coalition Benno Bokk Yaakaar. Autrement dit, dans leur débauchage !
Actes politiques hors hiérarchie, toujours gagnants
Bien formé à l’école politique de Léopold Sédar Senghor, d’Abdou Diouf et de Ousmane Tanor Dieng, si ce n’est lui qui a formé ce dernier, Khalifa Sall se présente ainsi depuis son élargissement de prison en fédérateur incontestable de l’opposition tout en posant des actes politiques toujours gagnants. Depuis quelques semaines, il se dit qu’il déroule ses schémas à l’instar du joueur d’échecs sans jamais se presser. Lentement et sûrement. Pour le moment, seule la socialiste Aïda Sow Diawara, ancienne mairesse de la commune de Golf, à Guédiawaye, qui a extériorisé devant le président Sall sa rencontre avec Khalifa Sall sans pour autant le nommer. En réalité, d’après nos sources, au-delà de la patronne des femmes socialistes de la région de Dakar, l’ancien maire de la capitale aurait dans son viseur une quarantaine de députés de BBY dont d’anciens camarades socialistes avec qui il entretient d’excellentes relations. Les personnes rapprochées par Khalifa Sall sont considérées comme des insoumises loin de partager les orientations du Président Sall avec qui elles sont en conflit sans pour autant oser le manifester pour des raisons stratégique. Des insoumis qui tenteraient de combattre à l’interne le chef de l’Etat, Macky Sall.
Leadership du silence de Khalifa Sall
Khalifa Sall maintient donc un leadership du silence. « Il est plus dangereux en politique dans cette posture. Aucun signal dans ses options et orientations », confie un observateur de la scène politique. Tel le chasseur qui guette, et donc ne tousse pas, Khalifa Sall réussit de tout temps à atteindre ses objectifs et cibles de cette manière. Tout cela découle de sa capacité presque mathématique à faire des calculs politiques et sa maîtrise des voies de conquête des masses électorales. Selon un de nos interlocuteurs, Ousmane Tanor Dieng aurait dit à Macky que s’il n’emprisonne pas Khalifa Sall, ce dernier lui gâcherait ses projets. Plus qu’une réalité politique actuellement, et malgré son statut juridique non défini, Khalifa continue toujours à créer des surprises. Depuis sa sortie des geôles du régime en place, il est devenu encore plus dangereux. Exemple, sans être investi, il travaillait de manière technique à anéantir le rêve du président Sall d’avoir une grande majorité qui lui faciliterait l’obtention d’un 3ème mandat que lui interdit la Constitution. Plus que quiconque, Khalifa Sall comprend les enjeux de l’heure pour l’opposition. L’unique schéma salvateur pour cette dernière serait de grignoter dans l’effectif parlementaire de BBY pour mieux affaiblir la relative majorité parlementaire. Et la mettre en minorité à l’Assemblée nationale ! Une fois que des parlementaires hostiles à une 3ème candidature de Macky Sall seraient ferrés, l’opposition deviendrait alors majoritaire Place Soweto. Ce après la transhumance de Pape Diop et l’abstention de Pape Djibril Fall et de Thierno Alassane Sall.
Le poison du doute entre députés BBY
Il se dit que le doute se serait installé au sein de BBY, plus particulièrement de ses députés, du fait des coups de boutoirs portés par la grande coalition rivale, Yewwi-Wallu. L’absence de confiance et cette méfiance pourraient être fatales à BBY. Puisque chaque député va certainement penser que son collègue pourrait être, soit une taupe, soit un allié sournois qui traque des informations à transmettre à l’opposition. Une chose est sûre, le pouvoir, exposé à une éventuelle traitrise de ses propres élus au Parlement, ne devrait plus dormir tranquillement. Une approche qui montre encore les qualités de leader de l’ancien maire de Dakar. « Khalifa Sall, très expérimenté politiquement, n’est pas dans le populisme et parle peu. Mais il est capable de soulever des montagnes pour faire en sorte que l’opposition tienne tête au pouvoir » voire vienne à bout de celui-ci, résume un observateur de la scène politique. Seule certitude, au cours de cette 14e législature, les débauchages ne manqueront pas de part et d’autre des forces en présence. Opposition et pouvoir ne se feront pas de cadeaux. A défaut d’une cohabitation, il y aura fort probablement des confrontations d’idées et du spectacle entre l’opposition et le pouvoir à l’Assemblée nationale. Et tant mieux pour la démocratie !
Zaynab Sangare