Macky Sall, de maître du jeu à l’otage du jeu

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Toute décision non consensuelle de la part du président, dans la formation du futur gouvernement comme dans l’installation du prochain bureau de l’Assemblée nationale, pourrait avoir des répercussions dévastatrices pour son régime

Tenaillé entre trois feux (l’opposition, les alliances et les ambitieux de l’APR), assis sur une ‘’majorité’’ très précaire et hétérogène, Macky Sall passe du statut de seul Maitre du jeu à celui d’otage du jeu. Toute décision non consensuelle de sa part, dans la formation du futur gouvernement comme dans l’installation du prochain Bureau de l’Assemblée nationale, pourrait avoir des répercussions dévastatrices pour son régime.

Plus 2024 approche, plus la puissance du président de la République diminue. Et les dernières élections législatives n’ont fait qu’accélérer le processus. Tenaillé entre trois feux (l’opposition, les alliances et les ambitieux de l’APR), Macky Sall semble de plus en plus perdu dans ses propres schémas. Même nommer et dégommer des ministres –autrefois des prérogatives dont il usait et abusait- sont devenus problématiques dans ce contexte post-élections législatives. Aussi aurait-il intérêt pour nombre d’observateurs à attendre l’installation de la 14e législature pour former le nouveau gouvernement que tous les Sénégalais attendent, depuis le mercredi 03 Aout.

Dans nos précédentes éditions, des sources proches du Palais confiaient : ‘’Les députés n’ont certes pas de code de conduite qu’ils sont obligés de respecter, mais le message est le grand besoin d’unité dans les rangs de la coalition’’. A cet effet, pour donner les grandes orientations, informait la source dans notre édition du jeudi, le président de la République a prévu de recevoir, aujourd’hui, les 82 élus de la coalition Benno Bokk Yaakaar.’’

Quelles seront ses directives ? Qui désignera-t-il comme successeur de Moustapha Niasse à la tête de l’Assemblée nationale ? Qui pour en être vice-présidents ? Qui pour être questeurs, secrétaires ou président de groupe parlementaire ? Les enchères risquent d’être très rudes. Les choix plus que jamais aléatoires pour le président de la République. Ce serait presque miraculeux que ses décisions fassent l’unanimité au sein de la très hétérogène majorité présidentielle.

Les germes de l’implosion

Déjà, dans son propre parti, les pics ont commencé. Dernièrement, des proches de la tête de liste, Aminata Touré, ont élevé la voix pour pester fort contre un des concurrents directs de leur mentor. En l’occurrence l’ancien tout puissant ministre de l’Economie et des Finances Amadou Ba, deuxième sur la liste nationale de BBY aux dernières législatives et coordonnateur national de la coalition. ‘’Mimi, disait son collaborateur Bassirou Dieng répondant à un article dont il accusait Amadou Ba d’être l’instigateur, c’est la femme sociale, la femme rassembleur, la femme loyale… Elle ne sera jamais dans la félonie, dans la loyauté à demi-mesure…’’ Monsieur Dieng décrivait ainsi implicitement l’ancien ministre comme un comploteur, peu courageux et déloyal qui essaierait de dénigrer son leader.

Dans la foulée, d’autres voix de BBY comme Ibrahima Sène (responsable au Parti de l’indépendance et du travail) se sont élevées pour présenter Aminata Touré comme la candidate ‘’idéale’’ pour diriger la prochaine législature. Jusque-là rien n’a filtré sur les choix du chef.

C’est dire qu’autant la nomination du Premier ministre et du nouveau gouvernement est un casse-tête, autant la constitution du prochain bureau de l’Assemblée nationale et le choix de son patron seront compliqués pour le Président de la République, assis sur une majorité très précaire. Toute décision non consensuelle pourrait, en effet, avoir des répercussions dévastatrices pour son régime. La tâche est d’autant plus ardue que Macky Sall ne dispose que d’une dizaine de postes à pourvoir pour une majorité riche de près de 10 partis au moins, pour un total de 83 députés seulement sur les 165 que compte l’Assemblée nationale.

Ainsi, la marge de manœuvre reste très limitée. Naguère maitre de ses choix, le Président Sall est ainsi devenu l’otage de ses choix. A quelques jets de la Présidentielle de 2024 de laquelle il est exclu, selon la Constitution, il ne dispose en effet que de trois leviers pour garder les rangs serrés au sein de la mouvance présidentielle et encourager ses poulains à continuer à obéir dans l’espoir de bénéficier des futurs décrets. D’abord, c’est l’argent, ensuite la formation du futur gouvernement, enfin le Haut conseil des collectivités territoriales.

Les leviers pour conserver la majorité : l’argent, le gouvernement, le HCCT

Au-delà de la formation du gouvernement et de l’installation de la 14e législature, l’enjeu fondamental pour le chef de l’Etat, c’est de gouverner en toute sérénité avec 83 députés qui lui restent fidèles le reste de son mandat, condition sine qua non pour dérouler sa politique. Toute frustration d’un seul membre de la majorité, fusse-t-il le plus insignifiant, risque de lui être fort préjudiciable. Rarement, un président de la République sénégalais n’aura été si vulnérable vis-à-vis de ses députés et du pouvoir législatif. Rarement, des députés n’auront été si ‘’puissants’’ devant un chef de l’Exécutif.

Autrefois, considéré comme simple chambre d’enregistrement des mesures prises par l’Exécutif, l’Assemblée nationale retrouve ainsi tous les atours d’un véritable pouvoir. Pour les 18 mois qui lui restent à la tête du Sénégal, Macky Sall sera obligé de tenir compte, non seulement, des humeurs de ses alliés et néo-alliés, mais aussi, de l’humeur de ses propres hommes pour ne pas provoquer l’éclatement de sa majorité qui ne tient qu’à un fil, pardon, qu’à un député.

Mor Amar

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