« Que faire, après cette décision attendue du Conseil constitutionnel ? »

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Elle était attendue, en tout cas par une bonne partie de la population qui suit régulièrement la marche du pays depuis le 1er avril 2000. Cette décision du Conseil constitutionnel ne devrait surprendre normalement personne. Personnellement, je ne vois vraiment pas cette institution invalider les listes de Bennoo Bokk Yaakaar, et quelles que soient les irrégularités qu’on leur reprocherait ? Que personne ne m’oppose sa liste de suppléants invalidée ! En tout cas, dans ce pays, on est de plus en plus tenté de croire, à tort ou raison, peut-être à raison, que le Conseil constitutionnel ne prendra jamais, jusqu’à preuve du contraire, une décision qui n’aille pas dans les attentes du président-politicien. Elle serait sûrement prête à valider la candidature du président-politicien à un troisième mandat, si jamais ce dernier s’y aventurait. Et tout indique qu’il s’y aventurerait, malgré tous les risques et périls que cette candidature pourrait entraîner. Dans sa grande majorité, le peuple ne ferait donc plus confiance à ce conseil, ni à lui, ni à aucune autre institution du pays. Il a donc pris la décision attendue du très grand nombre : valider les listes très contestées de Bennoo Bokk yaakaar et invalider la liste proportionnelle de Yéwi Askan wi (YAW), conduite par Ousmane Sonko, dont la présence à l’Assemblée nationale gêne et dérange manifestement par ses questions pertinentes et dérangeantes.

La situation est donc là, sous nos yeux. Que faire maintenant pour la Coalition YAW, les autres composantes de l’opposition n’étant pas directement concernées et, peut-être même, satisfaites de cette situation ? Oublier toutes les injustices dont elle est victime au grand jour et se lancer dans une vaste campagne électorale pour gagner le maximum de départements, à commencer par celui de Dakar ? Faire face au président-politicien et à ses forces de défense (de défense à lui) ?

Moi, Mody Niang, je serais pour le premier choix et, si j’étais de taille, conseillerais à  mes amis à faire le même choix. Si toutes les frustrations, tous les ego et autres handicaps sont oubliés au profit du seul intérêt général ; si, sans tarder, toutes les composantes de YAW se mettent au travail, en faisant le tour de tout le Sénégal, en expliquant surtout aux populations la main fortement mise du président-politicien sur les différentes institutions du pays et les enjeux de ce qui restera des prochaines législatives ; si elles éclairent les populations sur les dizaines et dizaines de milliards de francs que nous coûte, pour presque rien, la présence des députés du président-politicien à l’Assemblée nationale pendant cinq longues années ; si elles dénoncent avec vigueur la gouvernance meurtrie du président-politicien avec tout ce qui la caractérise de corruption, de fraude, de concussion, de détournements de deniers publics et autres forfaitures connues et restées impunies depuis le 1er avril 2012 ; si ce travail, non exhaustif d’ailleurs, est régulièrement fait jusqu’au 31 juillet 2022, YAW gagnera sûrement, faute de la majorité, un nombre important de députés qui permettra la mise en place d’un grand groupe parlementaire, un plus grand encore si Wallu joue le jeu. Et, dès les premiers jours du mois d’août, Pastef se lancera dans de vastes tournées à travers tout le pays, en vue de l’élection présidentielle de février 2024, sans trop se soucier de cette assemblée qui sera dissoute dans moins de deux ans.

Je ne suis donc pas pour le second choix consistant à faire face au président-politicien et à ses forces. Pour ce choix, il ne faudra viser que deux objectifs ou l’un des deux : faire reculer le Conseil constitutionnel – ce qui est une gageure – ou faire partir le président-politicien du palais de la République, ce qui en est une autre[1]. Tant mieux, si on peut réaliser l’un au l’autre objectif. Cependant, pour arriver à réaliser l’un ou l’autre, il faudra mobiliser une foule immense, pas seulement à Dakar, mais aussi dans les quatre coins du pays. C’est certainement possible, serait-on tenté de rétorquer. Oui, peut-être. Mais, envisage-t-on le contraire, le fait que les foules ne répondent pas suffisamment à nos appels ? Ce serait un échec cuisant qui nous serait fatal, et que nous traînerons longtemps. On ne sait jamais avec nos compatriotes, même s’ils prennent de plus en plus conscience de leurs responsabilités citoyennes.

Nous pouvons certainement réussir à mobiliser les foules que nous souhaitons, des foules importantes. Mais, il peut y avoir un gros risque qu’il faut envisager sérieusement. Nous pouvons être infiltrés et nous le serons, par des nervis dont la mission sera de tout mettre en œuvre pour que le pays soit à feu et à sang. Selon une source vraiment digne de foi, nos « amis » de l’autre côté de la barrière y travaillent intensément. Il n’est pas impossible que nous arrivions à les contrôler, à gagner la bataille et nous rétablir dans nos droits, d’une manière ou d’une autre. ? Il n’est pas impossible, non plus, que la manifestation échoue. Nos adversaires s’empresseront alors de nous prendre pour responsables de toutes les casses, de tous les vols, de tous les feux allumés çà et là, des blessés et même des morts dont ils prendront toutes les dispositions pour qu’il y en ait le plus possible. Le Procureur de la République pourrait alors s’autosaisir et enfourcher le cheval facile d’ « appels à l’insurrection ». Et la cible privilégiée, ce sera sûrement Ousmane Sonko et personne d’autre.

 Si c’est vraiment le cas et il faut sérieusement l’envisager, nous mettrons beaucoup de temps pour le libérer des mains de la justice et, pendant ce temps, les autres (Bennoo Bokk Yaakaar et ce qui reste de l’opposition) continueront leurs préparations pour les prochaines législatives. Et nous faciliterons la tâche au président-politicien qui continuera à poser tranquillement les jalons qui le conduiront vers la troisième candidature. N’acceptons pas trop facilement de tomber dans leurs jeux ! Mobilisons-nous le 8 juin prochain ! Faisons venir des militants et sympathisants de tous les coins du Sénégal. Montrons-leur qui nous sommes et ce que nous sommes. Nos responsables leur parleront en responsables. Ils expliqueront aussi au peuple et lui feront comprendre que nous pouvons bien faire face à nos adversaires, à eux, à leurs forces de l’ordre et à leurs nervis. Nous en sommes bien capables, en effet, mais ne perdons pas de vue que les conséquences seront particulièrement lourdes pour le pays, dont de pauvres populations seront victimes innocentes.

Si j’étais à la place des responsables de YAW, je leur dirais que cette fois-ci, nous faisons sur nous le sacrifice de ne pas leur faire face, et que nous choisissons de tenir compte de l’intérêt supérieur du pays, qui ne compte pas pour un sous pour eux. Et les responsables de leur donner rendez-vous le 31 juillet 2022 et, en particulier, en février2024. Ils se mettront donc à préparer de toutes leurs forces le premier événement et, en fonction des résultats, apprécieront ce qu’ils feront de leurs coalitions (YAW-Wallu). Pour ce qui me concerne, je pense que YAW doit continuer son compagnonnage sur des bases solides. Elle compte parmi elle des candidats à l’élection présidentielle, qui doivent s’engager, le moment venu, à voter pour l’un d’entre eux qui sera admis au second tour. Ce second tour aura forcément lieu et quel que soit le candidat ou la candidate de ceux et de celles d’en face.

Ce candidat, en tous les cas, ne devrait pas être le président-politicien. Si c’est lui, le pays sera, cette fois-ci, forcément à feu et à sang. C’est lui qui s’est auto-exclu par ses engagements formels, même s’il nous a habitués à tout renier sans état d’âme. Cette fois, nous ne nous laisserons pas faire. Á un journaliste qui lui demandait si ce mandat (2019-2024) était le dernier, il répondait fermement : « C’est clair que  c’est moi qui avais écrit la constitution. Quand on a ramené le mandat de 7 à 5 ans, j’ai dit que le mandat est de 5 ans renouvelable une fois. Et pour que tout soit clair et sans équivoque, j’ai ajouté une clause pour tuer le débat. C’est celle-ci : ‘’Toutefois, nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs’’ ». » Et pour se faire plus clair, il précise : « Je suis dans mon premier mandat. Et si on me réélit, je fais mon second mandat de 5 ans. Ce sera 7 plus 5 et il faudra partir. C’est ça l’option fondamentale. C’est ça la constitution. C’est moi qui l’ai écrite, qui l’ai proposée et l’ai fait voter. » Et il dit au journaliste : « C’est clair maintenant, c’est bien clair ! ». Le journaliste répond naturellement oui et il dit « Alhamdoulilah ».

Il a répété cet engagement plusieurs fois. Devant un autre journaliste, il termine une réponse à une question par cet engagement sans équivoque, celui-ci : « En tout cas moi, celui qui m’attend à un troisième mandat ne m’y verra pas ». Cet engagement à ne pas solliciter un troisième mandat, il l’a répété plusieurs fois, appuyé par ses plus proches collaborateurs : Seydou Guèye, Aminata Touré et surtout son conseiller juridique, l’éminent constitutionaliste le Pr Ismaïla Madior Fall, qui recule malheureusement. Oui, qui recule parce que son patron, contre toute attente, dit ne plus croire à la limitation des mandats et pense qu’en dix ans, on ne peut pas achever son travail et présenter un bon bilan. Je n’insiste pas ici, je lui ai répondu dans ma contribution publiée par quelques quotidiens (WalfadjriEnquête, Dakar-Times notamment) et sites dans leur édition du jeudi 12 mai 2022.

Quel crédit accorder encore à cet homme ? Sa parole ne vaut plus un kopeck. Il renie sans état d’âme ses engagements et promesses les plus solennels. Il s’était fermement engagé à mener une lutte sans merci contre la corruption, les détournements de deniers publics, la fraude etc. Il n’a rien fait de tout cela. Au contraire, il encourage, entretient et nourrit au quotidien et publiquement ces fléaux qui obèrent nos pauvres ressources nationales. Les gens de son entourage se laissent aller à des actes de corruption, de fraude, de détournements de deniers publics et à de toutes autres de forfaitures, sachant qu’ils ne risquent aucune sanction. La principale caractéristique de sa gouvernance hideuse, c’est donc l’impunité totale, une impunité qu’il est difficile de rencontrer dans un autre pays, même pas dans ceux qui nous entourent. Sur sa table, souffrent des dizaines de rapports des différents corps de contrôle qui mettent gravement en cause des hommes et des femmes qui l’entourent. Des dizaines de dossiers déposés par l’OFNAC sur celle du Procureur de la République, y dorment d’un sommeil profond[2].

Cet homme nous avait aussi promis de redorer le blason terni de nos valeurs cardinales. Tous ses actes et propos de tous les jours démentent cet engagement. Oui, ils les démentent sans état d’âme. Pour ne prendre qu’un exemple et avancer, le blason qu’il devait redorer est devenu noir comme du charbon. Donc, depuis le 2 avril 2012, il ne fait que promouvoir les contre-valeurs : le mensonge, la détestable transhumance, le parti-pris manifeste en faveur de son parti, de sa famille, et à un moindre degré de sa coalition. Son épouse distribue des dizaines de millions à tout bout de champ. Son griot attitré en fait autant, avec plus de bruit encore. Pendant un bon bout de temps, son beau-frère Mansour Faye, (gros ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du désenclavement)  et sa fille de 24 ans ont nourri l’actualité. Un ancien ministre, le Pr Mary Teuw Niane qui le connait sûrement, l’a accablé dans un entretien avec Papa Alé Niang, je crois. La fille aussi, nous l’avons connue grâce à un reportage de la BBC, qui nous a laissés sans voix. Le nom de dynastie Faye-Sall leur colle très bien.

Cet homme, dont je n’ai pas d’ailleurs passé en revue tous les actes et propos qui ternissent terriblement nos valeurs et l’image de notre pays, ne devrait pas oser nous regarder les yeux dans les yeux pour solliciter un troisième mandat. En tout cas s’il s’y aventurait, je serais de ceux qui pensent qu’il mettrait le pays à feu et en sang, et nous devrions alors lui faire vigoureusement face et le sortir du palais. Je pense que, dès le lendemain du 31 juillet 2022, et quels que soient les résultats, Pastef et son président devraient se lancer dans une campagne  sans répit contre cet homme et sa gouvernance meurtrie qui, malgré des apparences bavardes et trompeuses, nous aura coûté très cher. Notre pays a besoin, bien besoin de nous revenir avec toute sa souveraineté, toutes ses valeurs et toutes ses ressources. En tout cas je suis prêt, malgré mon âge, à me lancer avec eux dans cette campagne, pour y apporter ma modeste contribution. Faire débarrasser le plancher au président-politicien, à sa famille et à sa bande, devrait être l’affaire de tous les Sénégalais et de toutes les Sénégalaises tant soit peu conscient(e)s de leurs responsabilités citoyennes. Arracher le pays à cette dynastie mérite tous les sacrifices, et nous devrions nous y employer sans relâche, jusqu’à atteindre cet objectif salutaire.

Dakar, le 7 juin 2022

Moy Niang

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